L’oursin vert du Québec : un trésor marin méconnu
Chaque hiver, quand le fleuve Saint-Laurent gèle à moitié et que les villages côtiers du Québec ralentissent au rythme de la saison froide, une pêche méconnue mais précieuse prend vie : celle de l’oursin vert. Petit, piquant et surprenant, ce fruit de mer est un joyau encore discret dans la gastronomie québécoise, mais il suscite un engouement croissant chez les chefs et les amateurs de produits marins d’exception.
Un habitant discret du Saint-Laurent
L’oursin vert (Strongylocentrotus droebachiensis) est un petit échinoderme (un cousin de l’étoile de mer) qui tapisse les fonds rocheux et algueux du Saint-Laurent, notamment le long de la Côte-Nord, aux Îles-de-la-Madeleine et en Gaspésie. On le reconnaît à ses fines épines vert olive, parfois brunâtres, qui bougent lentement au gré des mouvements de l’animal.
Il vit entre 5 et 10 ans, parfois plus, et se nourrit principalement d’algues comme le varech. C’est justement dans ces eaux froides et riches en nutriments qu’il développe une saveur unique, bien différente des oursins méditerranéens ou japonais.
Une pêche d’hiver
Contrairement à la plupart des produits de la mer que l’on déguste en été, l’oursin vert se récolte entre novembre et mars. Cette saison hivernale est stratégique : c’est à ce moment que l’oursin est le plus rempli et que sa gonade (la partie comestible, souvent appelée "corail") est à son apogée.
La pêche se fait surtout à la main, en plongée, ce qui rend la récolte exigeante mais respectueuse de l’environnement. Imaginez un plongeur, en combinaison étanche, plongeant dans une eau à peine au-dessus du point de congélation, cherchant à tâtons les oursins cachés parmi les roches, parfois sous une couche de glace. C’est une activité à la fois périlleuse et poétique.
Un goût iodé, beurré, intense
L’oursin vert québécois a une saveur subtile mais marquée. Ceux qui s’y initient pour la première fois sont souvent surpris par sa texture crémeuse et son goût iodé, presque sucré, avec des notes de noisette, de beurre et parfois une légère amertume marine.
Il se mange cru, à la cuillère, directement dans la coquille, comme une huître. Pour les amateurs, c’est une expérience sensorielle intense, presque méditative. Les chefs, eux, le transforment en mousse, en sauce, en garniture de risotto ou en tartare.
Dans certains restaurants de Montréal ou de Québec, il n’est pas rare de trouver un « shooter d’oursin » servi dans la coquille, avec un peu de citron ou de saké. Aux Îles-de-la-Madeleine, on en fait même des omelettes matinales, une tradition locale savoureuse.

Des bienfaits nutritionnels surprenants
Outre son goût raffiné, l’oursin vert offre aussi une richesse nutritionnelle impressionnante. Il est une excellente source de protéines de qualité et de minéraux essentiels comme le zinc et le fer. Mais surtout, il est naturellement riche en oméga-3, ces acides gras polyinsaturés reconnus pour leurs effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire. Ainsi, savourer de l’oursin vert, c’est non seulement se faire plaisir, mais aussi prendre soin de sa santé, un délice qui allie gourmandise et bien-être.
Un produit rare mais prometteur
L’oursin vert du Québec est encore un produit de niche. Moins populaire que les moules ou les crevettes nordiques, il gagne pourtant en reconnaissance, notamment grâce à l’engagement de petits pêcheurs et d’organismes de valorisation des produits marins.
Le défi, pour l’instant, réside dans la transformation et la distribution. Comme l’oursin est fragile et que sa fraîcheur est primordiale, il faut un circuit court entre la pêche et la table. Certaines entreprises commencent à offrir des oursins nettoyés, prêts à déguster, vendus directement aux chefs ou via des marchés spécialisés.
Un luxe accessible… pour l’instant
Bien que considéré comme un met raffiné, l’oursin vert du Québec demeure, pour l’instant, relativement abordable. On peut en trouver dans certaines poissonneries locales en hiver, ou en commander lors de dégustations spéciales. Ce serait une erreur de le réserver aux grandes occasions : il mérite d’être découvert, apprivoisé, et pourquoi pas intégré à votre prochain brunch maritime.
En conlusion, l’oursin vert du Québec est un produit encore méconnu, mais qui mérite sa place parmi les trésors marins de notre territoire. Derrière ce petit échinoderme se cachent un savoir-faire rigoureux, une pêche durable et une richesse gastronomique et nutritionnelle certaine.
Qu’il soit dégusté simplement ou mis en valeur par des chefs, il représente une belle occasion de découvrir un aliment local unique, ancré dans les eaux froides du Saint-Laurent.
* Photo de couverture : Allison Van Rassel , Radio-Canada
* Crédit Photo : Marco Campanozzi, La Presse